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La résolution bancaire : dix ans de mécanisme de resolution unique (MRU)
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de participer à cette conférence qui célèbre en réalité l’anniversaire de plusieurs événements auxquels j’ai eu l’honneur de contribuer à titre personnel : les 15 ans de la création de l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP), les 12 ans depuis que l’ACP s’est vu confier la lettre « R » de la résolution bancaire, mais aussi les 10 ans du Mécanisme de Résolution Unique (MRU) ainsi que de son autorité centrale, le Conseil de Résolution Unique (CRU) que j’ai l’honneur de présider. C’est à ce titre que je m’exprimerai aujourd’hui, avec, si vous me le permettez, une dimension européenne et essentiellement bancaire. Je laisserai donc de côté les aspects strictement français et les enjeux assurantiels, que nous évoquerons lors de la table ronde qui suivra mon intervention.
Je souhaiterais aujourd’hui : revenir sur cette première décennie et ses principales réalisations avant d’évoquer l’avenir et les principaux chantiers pour, notamment, compléter l’Union bancaire.
Commençons par les réalisations.
Contrairement au mécanisme de surveillance unique (MSU) – que l’on appelle le premier pilier de l’Union bancaire – qui s’appuyait sur des dispositifs déjà existants, la résolution bancaire et son cadre, le MRU, ont été élaborés ex nihilo après la crise financière de 2008.
À l’époque, le concept de résolution bancaire était encore inédit. Je peux vous dire que si le concept suscitait de l’intérêt chez certains, nombreux étaient ceux qui doutaient de son fonctionnement.
J’ajouterai que nous faisions face à un défi supplémentaire en Europe qui était qu’il fallait démontrer qu’une autorité centralisée pouvait apporter une réelle valeur ajoutée au regard d’un réseau d’autorités nationales.
10 ans plus tard, le moment est opportun pour dresser un premier bilan.
Le MRU constitue désormais un dispositif européen fiable et reconnu en Europe comme à l’international pour gérer les faillites bancaires.
Ensemble, avec les autorités nationales de resolution (ANR), dont l’ACPR bien entendu, nous avons fait la preuve de notre capacité à agir collectivement à plusieurs reprises et avons su résoudre des banques en crise.
Je pense évidemment à Banco Popular et Sberbank. Pas un seul Euro du contribuable n’a été dépensé au cours de leurs résolutions et la stabilité financière a été préservée.
Mais je pense aussi aux cas pour lesquels notre action, en concertation avec le MSU, a permis d’éviter une défaillance bancaire. N’oublions pas qu’en 2023, la faillite de Crédit Suisse ne s’est pas étendue aux banques de l’Union bancaire.
Le MRU a su relever le défi des crises de la dernière décennie et j’espère que le succès de nos décisions aura aidé à convaincre les derniers sceptiques !
Mais, le point sur lequel je voudrais insister est que notre contribution à la stabilité financière ne se mesure pas par le nombre de décisions de résolution que nous avons prises, mais bien plus par celui de toutes celles que nous n’avons pas eu besoin de prendre !
Il y a ainsi, chaque jour, un travail discret de prévention via la planification de la résolution qui renforce progressivement la résilience du système.
Permettez-moi d’illustrer mon propos avec quelques chiffres :
Plus de EUR 2 600 milliards de MREL, soit de capacité pour absorber des pertes, constitué par les banques ;
Environ EUR 80 milliards prêts à être mobilisés au sein Fond de Résolution Unique ;
A peu près 150 plans de résolution élaborés pour les établissements significatifs et moins significatifs.
Au-delà des chiffres, une réelle expertise de la résolution est née au niveau national et européen et celle-ci est reconnue par nos homologues étrangers.
Tous ces éléments contribuent à renforcer la confiance des citoyens européens dans le système financier, en assurant sa stabilité pour tout le monde.
Tournons-nous désormais vers l’avenir.
Nous avons bien conscience que si notre cadre tel qu’il existe aujourd’hui est fonctionnel, il est loin d’être parfait ou même complet.
Je voudrais partager avec vous quatre mots-clefs : efficacité, simplification, évolution réglementaire et enfin intégration.
i) Nous devons améliorer l’efficacité de notre action.
L’échec n’est pas permis dans la résolution bancaire. Si nous échouons, la confiance disparaitra aussitôt et la stabilité financière sera mise en péril.
C’est pourquoi notre action doit être efficace.
Le CRU doit continuer à promouvoir une vision commune de la résolution bancaire au sein du MRU mais aussi vis-à-vis du MSU. Sur les sujets qui comptent, nous devons être alignés en amont d’une crise, au moment et après la crise.
ii) Améliorer notre action, c’est aussi viser à la simplifier sans jamais compromettre nos objectifs de stabilité financière.
Nous avons déjà pris des mesures concrètes en ce sens : la simplification de nos plans de résolution, une meilleure prédictibilité de nos attentes auprès de l’industrie mais aussi un travail pour éviter les doublons.
L’efficacité de notre action devrait reposer sur un cadre simple et « agile » pour les banques. Reconnaissons que ce n’est pas toujours le cas… mais je ne pense pas qu’une approche en silo, la supervision/ la résolution/ le macro-prudentiel/le reste (anti-blanchiment, protection de la clientèle, …etc.), puisse porter beaucoup de fruits
Au contraire, et j’en profite puisque je sais que nous avons de banques et des contrôleurs bancaires dans la salle, nous devons aborder le sujet de la simplification de manière globale, c’est-à-dire au minimum micro + macro + résolution.
Par exemple, nous ne pouvons pas modifier les exigences de fonds propres du « gone concern » sans le faire en parallèle pour le « going-concern ». L’un est un reflet de l’autre – ces questions sont étroitement liées.
Si le débat s’ouvre, il doit être abordé de manière globale et sans tabous – nous devons aussi regarder du côté des « coussins » macro.
iii) Enfin, et je ne m’attarderai pas sur ce point, il y a les chantiers connus de tous en matière d’évolution réglementaire.
Si la réforme « CMDI » sera bientôt finalisée, ce qui est une bonne chose, l’Union bancaire restera incomplète tant que le troisième pilier « EDIS », le système européen de garantie des dépôts, manquera. J’espère que 2026 verra des évolutions positives à cet égard.
Mais aller au bout de l’Union bancaire ne dépend pas que de « EDIS ».
iv) Et je voudrais maintenant vous parler d’intégration, le quatrième mot-clef.
Nous célébrons en 2025 les 11 et 10 ans de supervision et de résolution bancaire unique.
Malgré cela, nous observons encore des barrières qui freinent l’intégration du marché. Nous ne pouvons pas prétendre être une juridiction unique, tout en freinant le développement des activités transfrontalières.
Je l’ai affirmé dans le passé et je le répèterai aujourd’hui – la simplification la plus efficace passera toujours par plus d’intégration. Le fameux débat entre autorités Home et autorités Host n’a plus grand sens au sein de l’Union bancaire, dès lors que les deux premiers piliers de cette Union sont unifiés : il faut tirer toutes les conséquences des dix premières années de l’Union bancaire !
Avant de conclure, permettez-moi un dernier point sur le futur de la résolution.
Nous assistons aujourd’hui à des mutations importantes dans le paysage financier : les modèles économiques évoluent, de nouveaux acteurs apparaissent, et avec eux, de nouveaux risques.
Je pense bien sûr aux « NBFI », ces institutions financières non-bancaires parfois devenues si importantes, si interconnectées, qu’elles sont déjà — ou sont sur le point de devenir « trop grandes pour faire faillite ».
L’exposition de Crédit Suisse aux gestionnaires de patrimoine Archegos et Greensill a sûrement contribué à sa faillite.
Des principes internationaux existent pour les banques, pour l’assurance et pour les contreparties centrales, mais c’est tout. Désormais, la question se pose : n’est-il pas temps d’envisager un cadre de gestion de crise pour les « NBFI » qui posent un risque systémique ?
Je suis sûr que nous y reviendrons au cours de notre table ronde !
Conclusion
Je conclurai en citant une métaphore d’un discours prononcé par Klaus Knoot, ancien Président du Conseil de la stabilité financière, en Juin dernier à Madrid : « La stabilité financière est à la société ce que l’eau est pour un poisson. Nous nous en rendons à peine compte, jusqu’au moment où elle disparaît ».
En dix ans, nous avons accompli beaucoup de choses. Mais le chemin à parcourir reste long et, en résolution, nous n’avons pas le droit à l’erreur.
Nous ne devons pas nous reposer sur ces acquis car la stabilité financière est un bien public qu’il convient de préserver à tout prix. De ce point de vue, je sais pouvoir compter sur l’ACPR, au cœur de l’Union bancaire pour assurer à nos économies une eau abondante et claire !
Merci.
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